Ma Céline, la petite enfant de Jésus est toute seule dans une petite barque, la terre a disparu à ses yeux, elle ne sait pas où elle va, si elle avance où si elle recule...
La petite Thérèse sait bien, elle est sûre que sa Céline est en pleine mer, la nacelle qui la porte vogue à voiles déployées vers le port, le gouvernail que Céline ne peut même pas apercevoir n'est pas sans pilote.Jésus est là, dormant comme autrefois dans la barque des pêcheurs de la Galilée.Il dort... et Céline ne le voit pas car la nuit est descendue sur sa nacelle...Céline n'entend pas la voix de Jésus. Le vent souffle....elle l'entend: elle voit les ténèbres...et Jésus dort toujours ; cependant s'Il se réveillait seulement un instant, Il n'aurait"qu'à commander au vent et à la mer et il se ferait un grand calme", la nuit deviendrait plus claire que le jour, Céline verrait le regard divin de Jésus et son âme serait consolée...Mais aussi Jésus ne dormirait plus et Il est si fatigué!..
Ses pieds divins se sont lassés à poursuivre les pécheurs , et dans la nacelle de Céline Jésus se repose si doucement.Les apôtres lui avaient donné un oreilller . L'évangile nous rapporte cette particularité. Mais dans la petite barque de son épouse chérie Notre Seigneur trouve un autre oreiller plus doux.C'est le coeur de Céline, là Il oublie tout, Il est chez lui..Ce n'est pas une pierre qui soutient sa tête divine (cette pierre après laquelle il soupirait pendant sa vie mortelle), c'est un coeur d'enfant, un coeur d'épouse.Oh que Jésus est heureux! mais comment peut-Il être heureux alors que son épouse souffre, qu'elle veille pendant que Lui dort si doucement? Ne sait Il pas que Céline ne voit que la nuit, que son divin visage lui demeure caché, et même parfois le poids qu'elle sent sur son coeur lui semble lourd...Quel mystère! Jésus le petit enfant de Bethléem que Marie portait comme un "léger fardeau" se rend lourd, si lourd que Saint Christophe s'en étonne...
L'épouse des cantiques elle aussi dit que"son Bien-Aimé est un bouquet de myrrhe et qu'il repose sur son sein"
La myrrhe c'est la souffrance et c'est ainsi que Jésus repose sur le coeur de Céline...Et cependant Jésus est heureux de la voir dans la souffrance, Il est heureux de tout recevoir d'elle pendant la nuit...Il attend l'aurore et alors, oh alors quel réveil que celui de Jésus!...
Sois sûre, ma Céline chérie, que ta barque est en pleine mer,déjà peut-être bien près du port.Le vent de douleur qui la pousse est un vent d'amour et ce vent là est plus rapide que l'éclair..
lettre de Thérèse De Lisieux à sa soeur Céline